Revue de lecture: Tueries, par Franco «Bifo» Berardi

Par Laurence Corbeil

Le sujet étant tristement d’actualité, ce livre est un incontournable pour mieux comprendre les tueries en tant que phénomène social à notre époque. Vous ne serez pas réconforté-e par cette lecture de Franco « Bifo » Berardi car la thèse principale de l’auteur est que le système capitaliste tel qu’on le vit, «absolu» ou encore ce qu’il appelle le « nécrocapitalisme » est ce qui mène des gens au suicide individuel, au suicide collectif et au meurtre de masse. L’auteur s’intéresse non seulement à la psychopathologie qui pousse des individus à commettre de pareils actes mais surtout aux origines politiques et aux injustices économiques derrière ces phénomènes, trop peu discutés. Ce livre nous pousse à mieux comprendre les rapports de domination entre les différentes nations et au sein-même des entreprises qui façonnent nos paysages collectifs. L’auteur étudie ce qui mène des hommes de diverses origines à commettre ces actes, à travers quelques cas tristement célèbres, permettant au lecteur ou à la lectrice de mieux comprendre chacun de ces cas et de faire les liens entre les divers événements. On y pointe notamment le culte de la performance et du rendement, qui peut rapidement devenir malsain.

Il s’agit d’un livre réaliste,  dans lequel l’auteur explique les rouages d’un système qui n’est pas près de changer. L’auteur et qui sort définitivement du martèlement médiatique en lien avec le terrorisme islamiste pour se concentrer sur ce qui peut, économiquement, politiquement et bien sûr psychologiquement pousser des hommes à commettre des meurtres de masse. Le principal bémol de cet ouvrage est que les études féministes et post-coloniales sont mentionnées mais peu discutées ou pas suffisamment expliquées en détail. Il aurait été intéressant de s’attarder par exemple à savoir pourquoi seulement des hommes commettent des meurtres de masse, et non pas les femmes.

Note: ★★★★☆

Tueries, forcenés et suicidaires à l’ère du capitalisme absolu (2016) est disponible aux éditions Lux et dans bon nombre de librairies du Québec

Revue de lecture: Les Libéraux n’aiment pas les femmes, par Aurélie Lanctôt

Par Audrey Mayer

J’entends toujours dire par les gens enthousiasmés par l’austérité qu’on n’a « pas le choix », que « tout coûte toujours plus cher », que je ne suis pas réaliste et trop à gauche. Pourtant, pourtant! Aurélie Lanctôt a réussi à me réconcilier avec la gauche une fois de plus. En un seul paragraphe, l’auteure démolit toutes les fausses idées défaitistes affichant l’austérité comme un mal nécessaire:

« Le poids de la dette publique se mesure toujours en comparant l’endettement à la taille de l’économie de production qui la soutient, le produit intérieur brut (PIB). Pour réduire ce fardeau, on peut faire diminuer le numérateur de la fraction dette/PIB en remboursant les créances, ou encore faire accroître le dénominateur en stimulant la croissance économique. Les enthousiastes de l’austérité préfèrent de loin agir sur le numérateur, en comprimant au maximum les dépenses, même si l’expérience nous montre que cette façon de faire ralentit la croissance et tend à provoquer une augmentation de ratio dette/PIB. En effet, en 2013, des experts du Fonds monétaire international (FMI) ont avoué avoir sous- estimé les conséquences néfastes de l’austérité sur l’économie, et ont reconnu que cette politique était inefficace pour alléger le fardeau de la dette publique. Inutile de s’user les yeux à déchiffrer des colonnes de chiffres et des graphiques abscons pour s’en convaincre, Il suffit de regarder vers la Grèce, le Portugal, l’Espagne ou l’Italie, où les compressions dans les programmes sociaux, la suppression d’emplois dans le secteur public et autres mesures d’austérité ont été appliquées de façon dogmatique pour relancer l’économie après la crise de 2008. Cela à surtout eu pour effet de plonger ces pays dans un marasme économique dont ils peinent encore à s’extirper. » (p.34-35)

Après avoir prouvé que l’austérité est loin d’être une mesure nécessaire, qu’elle est même une mesure drastique et inadaptée, Aurélie Lanctôt va jusqu’à démontrer qu’elle porte non seulement préjudice au peuple, mais surtout aux femmes. Partout où le gouvernement libéral coupe, c’est dans les services publics, Aurélie Lanctôt appuie cette affirmation par de nombreux chiffres étonnants. Or, il s’agit du secteur de l’économie où les femmes sont les plus présentes. L’auteure analyse diverses coupures budgétaires et prouve chaque fois qu’alors que l’état se dit non-sexiste, il ne laisse aucune chance aux femmes, l’écart de salaire ne diminue pas et il demeure donc pour elles difficile de s’élever au même niveau que les hommes. Un essai renversant que je conseille à tout le monde qui croit que les libéraux sont progressistes: pas dutout, mon ami.e, pas dutout!

Note: ★★★★★

Les Libéraux n’aiment pas les femmes (2015) par Aurélie Lanctôt est disponible aux éditions Lux et dans les librairies du Québec